
Aprés une magnifique traversée de l'Aïr puis du Ténéré (CF partie 2) nos motos peinent á traverser le Kawouar. Malgré cela nous finissons par arriver á la frontiére Libyenne, un poste avancé éloigné de tout.
Tumu - Frontiére Niger Libye
Cette fois ça se gâte pour de bon. Les Touaregs se font malmener par les militaires Libyens. Discussions et négociations, dur sentiment de sentir étranger à la décision de notre sort. Les militaires placés dans ces zones isolées par Kadhafi sont en général punis et pas heureux de se retrouver là. Tumu c’est un bâtiment en tôle de 50 m2, cinq militaires, une citerne qui fût un camion et une piste d’atterrissage démontable. Le tout à deux cent bornes du premier village, deux cent bornes de montagnes ensablées où chaque voyageur doit faire sa propre piste.
Michel nous explique la situation. Lui et ses amis n’ont pas l’autorisation de passer. Il a tout organisé. Une des ses connaissances va venir pour nous aider à atteindre Al Gatrum et y accomplir les formalités d’entrée en Libye. Tumu n’est finalement pas un poste de douane. Plus qu'à attendre cet ami, Michel est tellement pressé de repartir qu’il met l’essence restante dans nos bidons d’eau et ne nous laisse rien à manger. Plus tard quand on aura faim et qu'il faudra l’eau stockée dans les bidons d’essence, on se souviendra amèrement de lui !

L’attente, à l'ombre du camion citerne, commence. S'il n’a plus de moteur depuis longtemps, sa citerne est remplie d’eau, une eau au goût de rouille mais avec les températures que l'on subit impossible de faire les difficiles. A la nuit tombée personne n’est encore venu nous chercher. Les premiers doutes suivent de près la disparition du soleil. Vers 10 heures on aperçoit des phares à l’horizon. L’espoir renaît et la déception qui suit lui est proportionnelle. On apprendra qu’il s’agit de véhicules de contrebande qui passent à une vingtaine de kilomètres de Tumu.
Au réveil c’est l’incertitude, que faire ? Que décider ? Attendre l’hypothétique ami de Michel semble illusoire, rester ici est dur car si on a de l’eau en abondance on meurt de faim et les quelques pâtes quotidiennes que les militaires nous jettent sur le sol ne font que repousser notre affaiblissement. Avec le recul, ces pâtes comptées une à une pour ne pas nous léser mutuellement, ont scellé, un respect et une confiance réciproque qui ne s'est jamais démenti et nous a permis de surmonter les épreuves du voyage. Renoncer et retourner vers le Niger est un peu prématuré, pour être honnête on n’y a même pas pensé. Dernière solution : rejoindre Al Gatrum. 200 km au GPS alors que l’on dispose de 350 km d’autonomie en essence.
La seule occupation possible étant de réfléchir, la décision est prise rapidement. Demain il faut tenter le coup ! L'après-midi est consacrée au chargement des motos, on va partir tôt pendant que les militaires dorment. On réussit à partir, mais pas loin, après une toute petite dizaine de kilomètres le terrain devient difficile et les motos sont trop chargées. Avant de griller trop d'essence, on retourne... sous « notre » citerne. Les militaires ne se sont rendu compte de rien. S'en suivent deux jours d’ennui, de faim et d’inquiétude dans l’espoir que quelqu’un passera... Cet espoir reste lettre morte.
La visite de gars bizarres, armés, qui en veulent á notre essence nous décide à jouer notre dernière carte, on abandonne la majorité de nos bagages et on attaque avec les motos allégées : demain matin.
Le sud Libyen
Les motos démarrent dès les premières lueurs du jour. Dès les premières centaines de mètres la sensation est bonne. Considérablement allégées, les motos passent beaucoup mieux. Le courage revient mais c’est de courte durée, Fabien chute. Pas grave mais quand on relève la moto, l'essence fuit. Démontage express du carbu, ça à l’air d'aller. Ouf on peut repartir mais le terrain est difficile, le GPS indique la direction mais pas la route à suivre. La région est montagneuse et sablonneuse. Deuxième gamelle pour Fabien qui ouvrait courageusement la route. A mon tour de passer devant, j’essaye de trouver un passage plus facile, des traces ou d’autres indices de passages antérieurs. Quelques minutes plus tard, je suis par terre. Il n’y avait pas de difficulté particulière, c’est la peur qui nous bloque.
Des pensées me traversent l'esprit à la vitesse de la lumière et m'éclaircissent les idées. Je me relève et je repars, gonflé à mort. Cette fois il faut que ça passe. On réussit à passer un col, s'ensuit une descente délicate dans du sable profond. Puis, petit à petit, le terrain devient plus facile. Je ne veux pas encore y croire. Pas une fois au cours de cette longue matinée on ne s’arrêtera pour parler. On roule et chaque kilomètre parcouru nous rassure davantage.
Vers 13 heures, d’un commun accord on stoppe au sud de l’erg Mursuk. Le soleil et la chaleur sont terribles mais le plus dur est fait. Ces moments intenses nous ont épuisés, une bâche entre les deux motos et on s’endort immédiatement. Même programme l'après-midi et le lendemain matin on trouve le goudron si longtemps espéré.

Ça y est, nous avons traversé le Sahara ! Photos, poignées de main viriles, félicitations réciproques... un moment de grand bonheur. Plus que 10 km jusqu’à Al Gatrum où l’on va effectuer les formalités d’entrée. On roule cool, le pays est beau, un peu d’irrigation permet quelques cultures en plein désert. Du vert, enfin, nous étions en manque de vert ! Nous sommes convaincus que la partie aventure de notre voyage est derrière, grosse erreur.

Al Gatrum
Gatrum est une petite ville agréable et paisible. Mais, nous n'avons pas été très malin. Victimes de notre enthousiasme nous en avons fait trois fois le tour, paradant avec nos motos à la recherche d'un soda frais. Après plusieurs jours d'eau chaude au goût métallique, nous trouvions ça mérité. On voulait fêter notre exploit.
Les différentes polices de Kadhafi nous ont toutes vues puis l'une d'entre elles nous a arrêtées. « Cette frontière est interdite aux occidentaux, il n’est pas question que vous continuez en Libye, vous devez repartir par là où vous êtes venus ou aller en prison». Le verdict est sans appel et tous nos arguments n’y changeront rien. Interdit de téléphoner et deux heures maximum pour repartir. Facile à dire, retourner c’est 2000 km de désert à retraverser jusqu’à Agadez. Impossible de le faire seul, on a déjà pris assez de risques. Une seule solution, embarquer avec les motos sur un camion qui part vers la frontière puis Dirkou et Agadez.
Pas le choix, une nouvelle aventure commence oú nous découvrirons le monde des transporteurs du désert et que je raconterais dans la 4ème et dernière partie ...
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